Quelle est ma mission à Grampari ?
Grosso modo, trois choses.
La première concerne les gens. Le site de Grampari est un lieu de formation, de rencontre et d'information. Formation parce que des cours d'informatique, d'électronique et de couture y ont lieu chaque jour, ainsi que ponctuellement des ateliers de confection de lampes à huiles, sacs et autres bijoux en papier en tant que moyen pour les villageois de gagner de l'argent. Ces cours sont donnés par des gens venant des villages avoisinnants. Grampari fournit les locaux et le matériel, fait de la pub, reçoit les cotisations des élèves et paye les professeurs. Je ne suis responsable de rien dans cette affaire... Je participe parfois aux ateliers.
Lieu de rencontre parce Grampari accueille régulièrement des villageois et/ou chefs de villages afin que soient discutés les problèmes des communautés, les uns inspirants les autres par les mesures qu'ils ont choisis de prendre et leur expérience en général. Là, j'aide parfois à l'organisation, mais pas grand chose. Pour cause : ça se passe principalement en Marathi. Mais je me tiens informé.
Information parce que l'équipe de Grampari, composée de personnes formées dans toutes sortes de domaines, apporte à ces discussions des éléments techniques ou des idées sociales et culturelle inspirées parfois de témoignages d'autres villageois ; et parce que ce site de Grampari se veut être un modèle pour les visiteurs.
Je vais expliciter un peu plus ce dernier point parce que j'y suis davantage impliqué. Grampari dispose d'un compost, d'un potager organique et d'un verger, d'un puits avec système de récolte des eaux de pluies, de panneaux solaires, d'un système de traitement de eaux usées incluant un biofiltre, et d'un Tippy Tap (un truc génial, voir http://www.youtube.com/watch?v=Qdpd3roZjYw). Chaque fois qu'un groupe d'étudiants, d'employés industriels, de chefs d'entreprises, etc. vient participer à une conférence à Asia Plateau (centre de formation de l'ONG Initiatives of Change), nous les accueillons ici à Grampari pour quelques heures afin de leur montrer ce que l'on fait, essayer de les sensibiliser, etc.
Lors des visites, je m'occupe de la "station récolte des eaux de pluie, recharge de puits". J'explique comment fonctionne un nappe souterraine, spécialement avec la géologie volcanique de la région ; pourquoi il est important de recharger un puits, comment le faire, etc. Ces démonstration sont également et même surtout destinées aux villageois, parce que c'est eux qui ont la possibilité et souvent le besoin d'améliorer les systèmes de leur village, que ce soit à propos d'eau, de sanitaires ou de légumes.
A côté de ça j'ai été chargé de la lourde tâche de conduire une audit de l'eau du campus entier, Asia Plateau et Grampari. C'est ce qui me prend le plus de temps. Le système hydraulique est plutôt simple : toute l'eau utilisée vient du puits de Grampari (le point le plus bas du campus), est pompée chaque soir pour remplir des cuves situées au-dessus du campus (le terrain montagneux, en pente). Mais ça pose un problème : aucun achat d'eau, donc aucune facture, donc aucun moyen de savoir combien on consomme. Ah ! et il n'y a aucun compteur. Nulle part sur le campus.
Mon boulot c'est de savoir (estimer...) combien on consomme, comment cette consommation est répartie (arrosage, vaisselle, etc.), combien on perd en fuites, défaillances, etc. Puis je dois proposer des solutions pour économiser de l'eau, et enfin implémenter ce qui aura été décidé par les big boss du centre. J'ai donc passé de longues journées à enquêter sur quelques 900 robinets, douches et chasses d'eaux, les répertorier, mesurer les débits, les fuites, le volume de chaque chasse d'eau, etc. Et c'est la partie "facile" du boulot. Ya qu'à faire... En revanche, avoir une idée un peu plus précise qu'au zéro près du nombre de litres consommés en un an de vaisselles dans un centre qui sert entre 15 et 700 assiettes par jour, est tâche plus ardue.
Mais ça me plaît. C'est un travail qui a des parties techniques, des parties conceptuelles, des problèmes à résoudre... Un vrai travail d'ingénieur. Et l'objectif est de réduire la consommation (inutile) d'eau, donc ça a du sens. Et puis ça me donne l'occasion de questionner les employés (indiens) du centre, et donc de créer des amitiés avec ces gens généralement ignorés, et de pratiquer mon Hindi !
Ce n'est pas tout ! La troisième mission qui m'a été confiée... parle de déchets. Le centre génère entre 5 et 140 kg par jour de déchets organiques de cuisine, et pour l'instant ça va nourrir les chiens sauvages et les corbeaux sur la colline du coin. Ca fournit aussi à l'atmosphère du méthane, très efficace pour l'effet de serre. Et je ne parle pas de la contamination des eaux souterraines où les gens des villages sous-jacents s'abreuvent.
Mon boulot ici est de m'informer sur les différentes possibilités de recyclage de ces déchets, de les comparer entre elles, d'en proposer une aux patrons du centre et de mettre en place ce qui sera décidé. Ici ce qui prend du temps, c'est principalement que j'y connais rien. La deuxième chose, c'est que pour savoir le coût d'une option de recyclage (compost ou autre), je besoin de dimensionner le dispositif et donc de savoir combien il y a à recycler : tous les matins je me promène dans la grande cuisine afin d'aller peser les poubelles avant qu'elles soient emportées à la décharge.